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La conservation d’un produit juridique éditorial n’existant que sur support électronique : un engagement contractuel réaliste ?
jeudi 18 novembre 2004, par
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M. Fabien WAECHTER , Directeur de la documentation de la société Lexbase - France
Résumé
L’éditeur que nous sommes exploite des données afin de créer des produits juridiques éditoriaux à support numérique.Qu’est-ce qu’un produit éditorial juridique à support numérique ? C’est l’exploitation à valeur ajoutée de la donnée souvent dématérialisée, pour créer un produit de prestation intellectuelle. Et le sujet de cette intervention nous ramène à la place que nous avons sur le nouveau marché des données juridiques publiques. L’éditeur se situe en effet entre les producteurs de la donnée brute, publique, et les utilisateurs d’un produit fini, commercial.
Au regard de l’hypothèse de la conservation, il faut donc entendre la question comme étant celle de savoir ce qui peut être conservé, dans une relation exclusivement contractuelle et commerciale, au regard de ce qui devrait peut-être l’être, dans le cadre de licence de réutilisation.
En définitive : la conservation du produit LEXBASE est objectivement réaliste, en ce qu’elle est possible, mais pose la question de son utilité ; la conservation de la donnée publique est réalisable et pose clairement la question de sa
nécessité.
texte intégral
Lexbase exploite des données afin de créer des produits juridiques éditoriaux à support essentiellement numérique. Longtemps, la diffusion de Lexbase ne fut que numérique, et la question de la conservation de son contenu existant s’est posée très tôt : en effet, cette possibilité de conservation fut même nécessaire pour rassurer les clients. Il fallait, à l’époque, prévoir d’un côté de développer Lexbase, mais aussi de l’autre, savoir préparer une sortie "prématurée". En cas de disparition de Lexbase, les personnes abonnées voulaient pouvoir, en quelque sorte, aller "au terme" de leur abonnement. Trois ans plus tard, la question de la conservation de nos données, reste, au delà de l’intérêt théorique, une enjeu technique et stratégique. Cela est dû à une double spécificité. En effet, notre diffusion n’est en réalité qu’un service, qui porte sur des produits numériques, d’une part, qui exploitent des produits juridiques, d’autre part. Et le sujet de cette intervention nous ramène à la place que nous occupons sur le nouveau marché concurrentiel des données juridiques. L’éditeur se situe entre les producteurs de la donnée brute, publique, et les utilisateurs d’un produit fini, commercial. Au regard de l’hypothèse de la conservation, il faut donc entendre la question comme étant celle de savoir ce qui peut être conservé, dans une relation exclusivement contractuelle et commerciale, au regard de ce qui pourrait l’être, dans le cadre encore flou de "licences de réutilisation".
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Ainsi, le produit éditorial juridique à support numérique est dans un premier temps un produit dématérialisé. Autant a-t-il été un temps reproché au papier de prendre trop de place, autant, il est devenu suspect aujourd’hui de vendre un produit qui ne peut même pas se dissoudre en poussière ! La dernière fois que la question de la conservation m’a été posée, elle était formulée sur le thème du vent, et ses rapport avec la vente de produits sur Internet. Maintenant que les produits dématérialisés sont compris comme pouvant être des produits de contenu, la personne qui y a accédé veut pouvoir continuer à accéder, non seulement à ce à quoi il a déjà accédé, mais à tout ce à quoi il a pu avoir accès.
Notre modèle est dorénavant viable, et cherche même à perdurer ! Mais il reste économiquement et techniquement imaginable de penser céder à chaque abonné, au terme de son abonnement, la partie de Lexbase à laquelle il avait accès dans son abonnement. En terme de réalité économique, cette possibilité ne peut que constituer une option contractuelle supplémentaire à l’abonnement, qui trouve sa réalisation dans un prix supplémentaire versé pour ce qui est donc un nouveau produit. De même, il est techniquement possible de fournir un contenu "solide" : il peut, de façon réaliste, exister un produit Lexbase, figé sur support papier ou cd-rom (des produits statiques), à un instant "T". Nous avons pour ce faire de multiples options déjà existantes : l’ "e-book" permet d’enregistrer une version image de Lexbase, indexé d’une date de génération, avec exploitation par un sommaire ; l’outil "Classeur" permet à l’utilisateur de se constituer des dossiers d’archive, qu’il est envisageable de pouvoir céder, afin de les installer sur disque dur, ou de les exploiter via cd-rom.
Il est une chose que ce produit, ainsi défini, ne sera pourtant jamais, tout réalisable qu’il soit : un véritable produit éditorial numérique. En effet, ce produit reste un produit d’une réalité austère, en ce qu’une des vertu de la donnée numérique, est justement la volatilité, qui en permet toutes les facilités d’utilisation, dont celle de mise à jour. Le produit de conservation ainsi réalisé est un produit, qui ne correspondra qu’à une démarche véritablement "réaliste" : il ne conviendra qu’en cas d’impossibilité absolue d’exploiter la donnée dématérialisée. Les équipes Lexbase, si elles ont souvent pensé à ce genre de développement, n’y ont pour autant, pas encore donné suite : que serait Lexbase sans sa réactivité ? Nous considérons que la valeur ajoutée que Lexbase tire de cet état de dématérialisation est notamment la réactivité. Par conséquent la seule valeur ajoutée que Lexbase peut mettre en avant dans un produit de conservation est la compilation, qui sera vendue comme telle. Cela manque, en définitive, à nos yeux, de créativité, laquelle justifie pourtant une grande part de notre valeur ajoutée !
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Outre son support numérique, la donnée Lexbase a une autre caractéristique : elle est juridique. Cela signifie que, quelle que soit sa valeur ajoutée, elle ne peut avoir comme origine qu’un fait juridique, un fait officiel, et donc, un fait public. Le rapport que nous entretenons avec les émetteurs publics pourrait être organisé. La conservation est même une excellent monnaie d’échange.
Ainsi, si la donnée publique acquiert une valeur ajoutée dès lors qu’elle est intégrée dans Lexbase, voire, encore souvent, numérisée, il n’en reste pas moins que la donnée dite "brute", est fournie par la personne morale de droit public émettrice, et ce, globalement, gracieusement. Concrètement, c’est souvent grâce à ce manque de coût, que l’éditeur peut engager des frais pour fabriquer des produits à valeur ajoute supérieure à celle procurée au départ. A l’inverse, les émetteurs travaillent à nous mettre à disposition une donnée : ce travail est ce que l’on peut appeler le service essentiel. Mais il correspond en réalité bien souvent, notamment en ce qui concerne les juridictions et leur jurisprudence, à ce qui est indispensable pour être mis à disposition du citoyen. C’est, du reste aussi, de par certains côtés, l’expression stricte du respect du marché de la concurrence, qui permet à chaque éditeur d’exister ! Alors, sans pour autant se sentir redevables, il semble raisonnable, de savoir simplement coexister. Il pourrait en découler des obligations pour les uns et les autres. Si, effectivement, le service public doit rester essentiel (indispensable ?), l’éditeur pourrait s’engager à conserver le produit du travail issu de l’exploitation des données concédées. En effet, nous sommes, de par l’aide de ces émetteurs, dépositaire d’une sorte de "service public +", qui pourrait leur être retourné, sans pour autant l’être à tout citoyen. Si les émetteurs restent titulaires de leur mission de service public auprès du citoyen, j’aime à penser que nous nous investissons d’une mission de service public auprès des professionnels du droit. La différence tient dans le service qui est offert. Si il nous appartient de savoir garder le service à un niveau supérieur de celui qui est offert au citoyen, il est tout à fait envisageable qu’un partie de ce service revienne à l’émetteur. Ainsi donc, on pourrait concrètement réaliser un syllogisme, en l’exposant ainsi : on peut conserver le produit Lexbase, on peut conserver les données publiques, donc on pourrait, de façon réaliste, exiger de nous la conservation du produit des données publiques !
Il s’agirait alors d’établir une véritable collaboration, puisque finalement, le pendant de l’accès à l’information pourrait être la restitution de la source exploitée, ou tout au moins la restitution d’une partie de l’exploitation de cette source. Dans quel cadre juridique pourrait se développer ce genre de "conservation minimum" ? Si on reformule le précédent syllogisme, la question suivante se dessine : dans quelle mesure une donnée publique constitue-t-elle un produit ? En effet, on pourrait en premier lieu considérer que tant que la donnée reste "brute", elle doit être restituée. C’est un premier niveau tout à fait acceptable, souhaitable, même. Ainsi, par exemple, les Cours d’Appel qui nous donnent leurs arrêts en papier, devraient pouvoir exiger la version brute numérisée, en respectant l’équation donnée brute papier= donnée brute numérisée. La valeur ajoutée de dématérialisation ne jouerait ici qu’envers les utilisateurs, mais l’émetteur public pourrait profiter d’un moyen de production. La notion de donnée brute resterait cependant à préciser ! Mais il est certain qu’une certaine compilation de données peut être échangée. J’ai assisté ce matin aux discussions développées dans le cadre des LII, et nous serions prêts à participer à cet échange d’informations avec ces "travaux d’intérêts généraux". Ils ne peuvent, à mon sens, au bout de la chaîne de production, payante ou gratuite, qu’être profitable à l’utilisateur, citoyen ou professionnel. Quoi qu’il en soit, toute conservation dans cet esprit, ne sera que contractuel. Ce contrat, différent d’une licence de réutilisation, serait une sorte de contrat d’accès à l’information, qui participerait d’une sorte de dynamique de durabilité de l’intégrité des données, et qui pourrait être passé avec chaque émetteur. Il pourrait prendre les principales lignes des conventions de dépôt qui existent avec la BNF, laquelle réfléchit du reste de puis 1998 aux conditions d’archivage du web. Là encore, la réflexion pourrait être lancée, soit avec les émetteurs eux mêmes, soit avec des grands "sanctuaires de produits" que pourraient être les grandes bibliothèques publiques, en référence aux "web sites cimetery" des grandes universités américaines. Là encore, la discussion est ouverte.
Merci.
Voir en ligne : Lexbase